La TSF — un état de l'art en 1935

(source SFR)

L'ÉMISSION : ONDES AMORTIES ET ONDES ENTRETENUES

Nous avons vu plus haut que les premières ondes hertziennes qu'on a su produire, celles qu'on engendrait par la décharge oscillante d'un condensateur, avaient la propriété de s'amortir très rapidement, leur amplitude décroissant progressivement et finissant par s'annuler. Pendant longtemps, les appareils de TSF ont été établis sur ce principe, et, jusqu'aux environs de 1917, la quasi-totalité des générateurs d'oscillations ont été des émetteurs à ondes amorties. Cependant, quand on a voulu perfectionner la technique de la radiotélégraphie, en particulier pour augmenter la puissance des postes d'émission et multiplier le nombre des radiocommunications, quand on a voulu résoudre le problème de la radiotéléphonie, on s'est heurté à de grosses difficultés avec les ondes amorties et on a été ainsi amené à rechercher les moyens de produire des ondes dont l'amplitude reste constante, et qu'on a appelées ondes « entretenues ». On y est parvenu d'abord avec les arcs ; mais les ondes engendrées par ces appareils n'étaient pas pures et causaient des perturbations gênantes. On a réussi ensuite à produire les ondes entretenues à l'aide de machines à courant alternatif ou alternateurs à haute fréquence. Les ondes obtenues par ce procédé conviennent excellemment aux communications à grande distance, mais la vitesse de rotation de ces machines étant forcément limitée, elle ne permet d'obtenir que des ondes de plusieurs milliers de mètres. Le procédé le plus moderne de génération des ondes entretenues, qui a supplanté tous les autres dans la plupart des cas, est celui qui utilise les lampes à trois électrodes dont nous parlerons plus loin.

LA RADIOTÉLÉPHONIE

Avant d'examiner comment les ondes hertziennes permettent de transporter la parole et la musique, il est nécessaire de rappeler en quelques mots le principe de la téléphonie ordinaire par fil. On sait que la sensation sonore résulte de l'action, sur notre oreille, des vibrations de l'air. Les sons se distinguent les uns des autres par trois caractères essentiels : U intensité, la hauteur et le timbre. L'intensité d'un son dépend de l'amplitude des vibrations. Plus cette amplitude est grande, plus le son est fort. La hauteur d'un son est déterminée par la fréquence, ou nombre de vibrations par seconde; plus cette fréquence est élevée, plus le son est aigu. Notons ici, en passant, que la sensibilité de notre oreille est à cet égard limitée. Seuls les sons dont la fréquence est comprise entre 12 vibrations par seconde et 12 000 nous sont audibles. Le timbre est la caractéristique qui nous permet de distinguer deux sons de même hauteur émis

LES ARCS - LES ALTERNATEURS DE HAUTE FRÉQUENCE

En l'état de la technique en 1919» on ne pouvait envisager, pour les radiocommunications à grande distance, que les ondes longues de l'ordre de plusieurs milliers de mètres. Les ondes inférieures, et notamment les ondes courtes, avaient, à vrai dire, été employées dès les premières expériences de TSF Les petits appareils dont on disposait alors les produisaient naturellement. Mais, dès que l'on voulut, afin d'augmenter les portées, accroître la puissance des émetteurs, il fallut employer des ondes de plus en plus longues auxquelles s'adaptaient beaucoup mieux les dispositifs qu'on possédait. Au surplus, on avait constaté que les ondes courtes se comportaient de façon très irrégulière et qu'elles étaient le siège de phénomènes très particuliers dont on n'avait pas encore pu dégager les lois et qui compromettaient la sécurité des liaisons à grande distance. La propagation des ondes longues était beaucoup mieux connue et l'on savait qu'elle pouvait s'effectuer à peu près régulièrement jour et nuit. Pour établir une bonne communication permanente entre deux points, la difficulté consistait surtout à mettre en jeu, avec un rendement acceptable, une puissance élevée. Ainsi, les ingénieurs recherchaient la solution du problème des radiocommunications à grande distance dans la réalisation de postes émetteurs très puissants et à ondes très longues. On eut recours d'abord au principe de l'arc de Poulsen. La Société Française Radioélectrique en avait, pour sa part, établi une bonne réalisation. Mais l'arc offrait un grave inconvénient inhérent à sa nature même, celui de produire des harmoniques très nombreux et très intenses. Le rendement de ce procédé était donc médiocre ; la puissance mise en jeu n'était effectivement utilisée que pour une faible part sur l'onde de travail, le reste étant gaspillé dans des radiations secondaires qui, d'ailleurs, causaient des perturbations à d'autres liaisons.

photo d'un alternateur HF de 250 KW alternateur HF de 250 KW
Dès 1912, la Société allemande Telefunken avait construit un ensemble comportant un alternateur et des transformateurs de fréquence (selon le principe de l'ingénieur français Maurice Joly) qui émettait des oscillations de haute fréquence dans une antenne, il est vrai avec un médiocre rendement. Pour dissiper l'énergie calorifique, les transformateurs devaient être refroidis par des circulations d'eau. En 1913, l'ingénieur allemand Rudolf Goldschmidt avait réalisé, Alternateur H. F. de 250 KW — Selon Un principe dû à notre éminent compatriote le professeur Boucherot, — des alternateurs engendrant des courants de haute fréquence. Mais ces machines, fort délicates, avaient donné de graves mécomptes et, dès le commencement de l'année 1913, à la Société Française Radioélectrique, un projet d'alternateur plus simple avait été conçu.
La réalisation de ce projet soulevait alors des difficultés mécaniques considérables : pour obtenir directement des fréquences élevées, qui devaient atteindre au moins 500 fois celles des alternateurs industriels, on était entraîné à l'adoption de vitesses périphériques inusitées, de pas polaires très faibles et d'entrefers extrêmement réduits. Or une vitesse trop grande accroît les pertes par frottement et provoque des efforts anormaux dans les parties tournantes, donc des déformations élastiques importantes et des trépidations dangereuses qui risquent de produire le décollement des enroulements. Si l'entrefer est très petit, la précision de la construction doit être extraordinaire pour que le rotor ne vienne pas au contact du stator. Les efforts persévérants et conjugués de la Société Française Radioélectrique et de la Société Alsacienne de Constructions Mécaniques de Belfort ont résolu ce difficile problème avec un succès inégalé. Malheureusement, la guerre étant venue interrompre ce genre de travaux, ce n'est qu'en 1915 que la première machine (d'une puissance de 5 kilowatts) fut réalisée et mise en service au poste de Lyon (La Doua). Fin 1918, un alternateur de 125 kilowatts était installé à la station de Lyon (1).
 
photo d'un alternateur HFde Sainte-Assise l'un des groupes HF de 500 KW de la station de Sainte-Assise. Au centre l'alternateur HF. Aux extrémités, les moteurs d'entrainement.
 
Ci-dessous : le rotor d'un alternateur de 500 kws. Pièce massive en acier, susceptible de résister à une traction de $$ kgs par millimètre carré. Il porte à sa périphérie des tôles fines ( épaisseur^ omm,03) en acier doux, soigneusement émaillées, résistant à une traction de 32 kgs par millimètre carré. Les coefficients de sécurité qui ont été admis pour cette partie essentielle de la machine, dont la vitesse périphérique atteint i$o mètres à la seconde, sont extrêmement élevés. L'alternateur français à haute fréquence et à grande puissance était créé, et ses qualités dépassaient les espérances les plus optimistes (1). Son fonctionnement se révélait impeccable, l'onde émise était très pure, tout à fait dépourvue d'harmoniques et très stable. Ce type d'alternateur a été construit pour des puissances diverses, depuis 25 kilowatts jusqu'à 500 kilowatts, et pour des longueurs d'ondes de 8 000 à 20 000 mètres. La vitesse de rotation de ces machines, variant de 2500 tours par minute pour l'alternateur de 500 kilowatts à 6000 tours par minute pour l'alternateur de 25 kilowatts, était maintenue rigoureusement constante par un régulateur à action très rapide, quelles que fussent les variations de charge auxquelles elles pouvaient être soumises. Tournant dans une atmosphère raréfiée pour éviter les pertes par ventilation, énergiquement refroidi par une circulation d'huile sous pression d'une réalisation très ingénieuse, l'alternateur à haute fréquence offrait un rendement très élevé : plus de 84 p. 100 pour la machine de 500 kilowatts. Quant à la manœuvre de ces alternateurs, elle était d'une simplicité extrême. Dès que fut achevée la réalisation définitive de l'alternateur à haute fréquence, la Société Française Radioélectrique se préoccupa d'ajouter aux remarquables qualités de la machine (i)Les ingénieurs qui ont spécialement contribué à ce grand succès sont MM. J. Bethenod et Marius Latour, à la Société Française Radioélectrique, MM. Roth, Belfils et Bilieux, à la Société Alsacienne de Constructions Mécaniques. Le régulateur spécial a été l'œuvre de M. Thury.

Sources et références

[1] Société Française de Radioélectrique, "VINGT-ANNÉES DE TSF", 1935



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