La TSF — un état de l'art en 1935

(source SFR)

Avertissement.

Ces articles datent des années 30. A cette époque, les scientifiques éprouvent le besoin d'introduire un support, « l'Ether », pour assurer la propagation des ondes électromagnétiques dans le « vide ». Cette notion a bien sûr disparue de nos jours. Il faudra donc lire ce qui suit en se plaçant dans ce contexte.

Les origines de la radioélectricité se rencontrent dans les travaux sur les actions électriques ou magnétiques à distance, effectués au début du XIXe siècle par le Danois Œrsted (1777-1851), l'Anglais Faraday (1788-1827) et le Français André-Marie Ampère (1775-1836). Il convient d'associer à ces noms illustres celui du physicien français Fresnel, l'auteur de la théorie des ondulations de la lumière dans l'éther.

L'INVENTION DE LA TÉLÉGRAPHIE SANS FIL

portrait de Maxwell et Hertz James Clark Maxwell (1831-1879)
Heinrich Rudolf Hertz (1857-1894)
Vers le milieu du siècle, l'Anglais Maxwell, élève de Faraday, émit l'hypothèse que les phénomènes électriques étaient dus aux mouvements du fluide de Fresnel, et, dans des calculs à jamais célèbres, précisant ce qu'Ampère avait eu l'audace d'entrevoir, il démontra l'identité d'origine des vibrations lumineuses et des manifestations électriques. C'est un Allemand, Hertz, mort en 1894, à l'âge de trente-six ans, qui allait couronner expérimentalement l'œuvre de ces deux génies. En optique, l'œuvre de Fresnel était complète; en électricité, celle de Maxwell, d'une hardiesse inouïe, était surtout théorique. Hertz parvint, dans son laboratoire, à mettre en évidence les ondes électriques de l'éther : il mesura leur vitesse, leur longueur et reproduisit avec elles tous les phénomènes de réflexion et de réfraction des ondes lumineuses engendrant en un point de l'espace, au moyen d'oscillations électriques, les ondes longues de l'éther, que l'Histoire, reconnaissante, a appelées les ondes hertziennes, décelant leur passage en un autre point de son laboratoire, il fut vraiment le créateur de la radioélectricité.
 
La télégraphie sans fil utilise, comme nous l'avons vu, la propagation, à travers l'espace, des ondes hertziennes. Ces ondes se forment autour d'un fil conducteur, siège de mouvements alternatifs d'électrons, et inversement leur passage détermine, dans les conducteurs qu'elles rencontrent, des oscillations des charges électriques de ces conducteurs. Le problème est donc ramené aux deux cas suivants : produire dans des fils des courants alternatifs d'électrons et déceler ces mouvements, même quand ils seront très atténués.
La première partie du problème semble aisée à résoudre : c'est la plus difficile. On sait que l'on utilise couramment, pour l'éclairage, des courants alternatifs, c'est-à-dire des mouvements de va-et-vient d'électricité qui échauffent et rendent incandescents des fils fins enfermés dans les lampes. L'éther, qui baigne les lignes de distribution comme tous les corps, est agité, «brassé » par ces courants : il se produit donc des vagues, des ondes électriques se propageant dans tous les sens... Et le problème est résolu ?... Hélas ! non. Les courants industriels changent de sens cinquante fois par seconde environ... C'est suffisant pour l'éclairage... Pour la TSF, c'est beaucoup trop lent. Ce n'est que depuis 1917 que l'on est arrivé à produire directement des courants alternatifs de fréquence suffisamment élevée au moyen de machines. Quand la fréquence est trop basse, tout se passe comme si, ayant plongé notre main dans un bassin plein d'eau, nous la déplacions très, très lentement : c'est à peine si la surface serait parcourue par quelques rides sans relief qui meurent aussitôt. Il fallait donc trouver autre chose. Imaginons un réservoir plein d'air comprimé présentant un point faible, par exemple un orifice obturé par un bouchon. Augmentons progressivement la pression dans le réservoir ; un moment vient où le bouchon est expulsé. Aussitôt, l'air comprimé se précipite au dehors, l'atmosphère réagit par inertie, tout en cédant sous le choc ; il y a formation aussitôt d'ondes sonores qui se traduisent par un bruit violent. Ces ondes s'amortissent d'ailleurs très vite : le son perçu ne dure qu'un temps très court. Pour produire des oscillations électriques rapides et violentes, Hertz eut recours à un dispositif analogue, utilisant le phénomène de la décharge oscillante d'un condensateur, étudié pour la première fois par Federsen.
Supposons que l'on accumule des charges électriques sur un corps conducteur isolé, mais placé très près, à quelques millimètres, d'un autre conducteur, une boule métallique, par exemple, reliée à des fils enterrés. Il arrive un moment où la pression, c'est-à-dire la tension de l'électricité sur le premier conducteur, est telle qu'une étincelle jaillit vers la boule reliée à la terre et que les charges se précipitent dans le sol à la faveur de cette étincelle conductrice par suite des particules métalliques incandescentes qu'elle transporte. Par inertie, l'énorme charge terrestre réagit et renvoie en arrière les nouvelles arrivées. Il se produit ainsi des oscillations rapides entre le conducteur, la boule et le sol. De même une balle de caoutchouc jetée à terre rebondit, retombe, rebondit de nouveau jusqu'à ce que, peu à peu, son mouvement s'amortisse et qu'elle reste immobile. Mais, alors que ses mouvements sont lents, ceux des décharges électriques brusquement déclenchés, puis renvoyés en arrière, sont d'une extrême vivacité. Il y a des centaines de milliers d'oscillations en une seconde et le mouvement s'amortit presque instantanément... Des ondes puissantes se sont, pendant ce temps, développées dans l'éther et répandues dans l'espace.
 
portrait de E. Branly E. Branly
C'est avec un dispositif analogue, connu sous le nom d'« excitateur ou oscillateur de Hertz » que le jeune savant allemand produisit des ondes de l'éther, qu'il décela par des moyens que nous n'examinerons pas ici. Ces moyens étaient un peu rudimentaires ; mais, même avec les dispositifs plus perfectionnés d'aujourd'hui, il eût été impossible de déceler à plus de quelques centaines de mètres de distance le passage des premières ondes hertziennes. L'« excitateur de Hertz » ne produisait pas encore dans l'éther des mouvements assez énergiques pour qu'ils se fissent sentir au loin. Vers 1890, le docteur Branly remarqua que la conductibilité électrique des limailles métalliques était modifiée quand on faisait jaillir dans le voisinage de ces limailles des étincelles électriques. Dans un tube de verre horizontal, gros comme le doigt, il plaçait un peu de limaille d'un métal presque inoxydable, nickel, argent, or, formant une mince couche entre les parois du tube, qu'il fermait par des petits bouchons d'acier poli, et il réunissait ces deux bouchons aux deux pôles d'une pile très faible; dans ces conditions, il constatait qu'aucun courant ne traversait ce tube, ce que l'on explique par la nature du contact imparfait entre la limaille très fine et les bouchons d'acier. Mais, si, par un moyen quelconque, on faisait jaillir une étincelle à quelque distance du tube, même derrière un obstacle tel qu'un mur, la nature des contacts de la limaille se trouvait modifiée, et le tube laissait passer le courant. Il suffisait alors de lui donner avec le doigt un léger coup pour rompre à nouveau la conductibilité de l'appareil : le courant, en passant, avait soudé en quelque sorte des particules de limaille contre les parois des bouchons, et le choc sur le tube brisait ces petites soudures. L'appareil était très sensible et d'un emploi commode.
 
En 1892, Nikola Tesla, ingénieur d'origine dalmate (ex Croatie), inventa les transformateurs à haute fréquence et exposa toute la théorie de la génération et de la réception des ondes électriques. Il convient de citer aussi, parmi les inventeurs de la télégraphie sans fil, le physicien anglais Oliver Lodge qui, en 1894, rendit automatique le fonctionnement du cohéreur de Branly et l'utilisa pour déceler des effets à distance. Il intercala dans le circuit de la pile montée aux bornes du tube à limaille une petite sonnerie dont le marteau, au lieu de frapper sur un timbre, pouvait venir buter contre les parois du radioconducteur. A chaque coup, le tube redevenait non-conducteur, puis, se trouvant ensuite sous l'influence d'un train d'ondes déclenché par une étincelle, il se « cohérait » de nouveau et laissait passer le courant. Mais alors la sonnerie entrait en jeu, son marteau frappait le tube qui redevenait résistant jusqu'au passage du train d'ondes suivant.
 
Le professeur russe Popoff chercha à utiliser le tube de Branly pour annoncer l'approche des orages. Les décharges électriques des nuages lointains provoquent évidemment la formation d'ondes de l'éther. Ces ondes de l'éther rencontrant un fil vertical, un conducteur de paratonnerre par exemple, produisent dans ce conducteur, comme nous l'avons vu, des oscillations électriques. Popoff réunissait le pied du conducteur à un tube de Branly monté avec le dispositif de Lodge et décelait ainsi les décharges lointaines.
 
portrait de G. MarconiMarquis Guglielmo Marconi
Il était réservé à Guglielmo Marconi, alors étudiant à Bologne et âgé de vingt-deux ans, de concevoir l'idée de réunir tous ces éléments et de télégraphier — sans fil — des points et des traits, selon le code Morse. Le premier succès fut obtenu dans le jardin de la maison familiale, en 1896. A partir de 1899, année où Marconi réussissait à communiquer entre Douvres et Calais, les recherches se multiplièrent dans tous les pays. Aujourd'hui, les ondes électriques ceinturent le monde. Nous ne rappellerons pas ici les nombreux perfectionnements qui furent apportés, successivement, à la technique radioélectrique et nous terminerons cet historique sommaire en évoquant la découverte réalisée en 1906 par le savant américain Lee de Forest, d'après les travaux du professeur Fleming (1904), celle de la lampe à trois électrodes. Cette découverte devait se montrer par la suite extraordinairement féconde et elle domine aujourd'hui toute la radioélectricité. C'est elle qui a permis de perfectionner d'une façon considérable les radiocommunications et qui a rendu possibles les applications les plus récentes, la radiotéléphonie, la radiodiffusion, la télévision, etc...

Sources et références

[1] Société Française de Radioélectrique, "VINGT-ANNÉES DE TSF", 1935



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